UTILE À SAVOIR


Ce blog est alimenté par Jacques Lefebvre-Linetzky. Commentaires et retours bienvenus.


dimanche 9 avril 2023

PEINTURES TANTRIQUES, UNE SIMPLICITÉ ABSTRAITE


La simplicité n'est pas un but dans l'art, mais on arrive à la simplicité malgré soi en s'approchant du sens réel des choses. 

Constantin Brâncusi


source : Pinterest


Les jours passent...

Aurais-je été victime d'un syndrome de procrastination ? Les semaines passent, les jours défilent et je ne parviens pas à  retrouver l'agilité de mes doigts sur le clavier. Ou alors, c'est mon cerveau qui pédale dans la semoule - c'est tout à fait possible par les temps qui courent et que j'ai du mal à rattraper. En fait, j'ai été assailli par de multiples échéances et, comme je ne suis qu'un pauvre homme, il m'est difficile d'entreprendre plusieurs tâches à la fois. Je me suis imposé des défis dignes des travaux d'Hercule, mais n'est pas Hercule qui veut. J'ai toujours fonctionné de cette manière. Inutile de demander à Freud ce qu'il en pense. En écrivant ces lignes, je m'aperçois que je convoque assez souvent ce cher Sigmund ... Il n'y a pas de hasard. 

Tantra Song




L'horizon se dégage un peu et mon esprit s'ébroue. J'ai tout d'abord été tenté de vous proposer une balade au Brésil dont l'art brut me fascine. Et puis, j'ai découvert l'art tantrique abstrait du Rajasthan. Je suis un voyageur immobile qui visite régulièrement Pinterest et Instagram. J'ai donc été victime d'un algorithme qui a "pensé" que l'art abstrait recelait des trésors encore inconnus de moi. Ce fut une divine surprise. Cela m'amena à me procurer un livre intitulé, Tantra Song. C'est un ouvrage paru en 2011 et qui n'a pas été publié en France alors qu'il a été conçu par un poète français, Franck André Jamme. Ce magnifique recueil est accompagné d'une série de textes et en particulier d'un entretien détaillé avec le poète, mené par Bill Berkson.  

Franck André Jamme 
un poète, un découvreur



Franck André Jamme (1947-2020)
© Jean-Marc de Samie
La poéthèque


Franck André Jamme est un poète voyageur, un poète du mot juste, de la grâce et de l'effacement de soi. Poète rare, il n'a écrit qu'une vingtaine de recueils. En 2005, il a reçu le Grand Prix de la Société des gens de lettres (poésie) pour l'ensemble de son œuvre. Ses poèmes sont le plus souvent écrits en prose. En quête de limpidité et d'intensité, il a une prédilection pour une écriture fragmentaire qui suit son chemin jusqu'à l'âme du lecteur. 

Très tôt, il a été attiré par l'écriture et puis, il a passé une dizaine d'années sans écrire, dans une sorte de désert poétique. Il a passé deux ans à Londres au tout début des années 70. Ensuite, il se consacre au journalisme et participe régulièrement au Monde de la Musique où il est chargé d'écrire des chroniques sur le jazz, entre autres. En 1979, il retourne à ses premières amours. Il se lie d'amitié avec René Char qui l'aide à publier son premier recueil, L'Ombre des biens à venir, (1981). C'est à lui que s'adresse René Char pour participer à la mise en œuvre du volume de la Pléiade consacré à son œuvre. 

Franck André Jamme a découvert l'art tantrique en 1970 dans un petit catalogue édité par la galerie Le Point Cardinal. Poète vagabond, il est attiré par l'Inde et le Népal où il se rend dès le début des années 80 espérant pouvoir se procurer des peintures tantriques. Finalement, il décide de se rendre au Rajasthan,  berceau de cet art si proche de l'art abstrait dont les origines remontent au 17e siècle. Cette passion le pousse à participer à des expositions en France et à l'étranger, plus particulièrement aux États-Unis. 

En 1985, il est sérieusement blessé dans un accident sur la route entre Dehli et Jaïpur. Il est rapatrié en France où il passe de longs mois alité. Dans son lit, il écrit La Récitation de l'oubli. Il n'abandonne pas pour autant sa recherche de peintures tantriques et il se rend à nouveau en Inde. Un sage le reçoit et lui communique l'adresse de deux tantrikas. C'est le commencement d'une nouvelle aventure qui occupera notre poète jusqu'à la fin de sa vie. 

Il est aussi traducteur et ainsi, il permet à de nombreux poètes de ses amis de franchir les frontières et de semer des petits cailloux précieux. Il a rendu hommage à Lokenath Bhattacharya, Udayan Vajpeyi, John Ashbery, Philippe Jaccottet...
Il collabore avec des peintres, des musiciens et des comédiens. Il assure de nombreuses lectures de textes, en France et à l'étranger (Londres, New York, San Francisco, Prague, Dehli, Calcutta...). Ses poèmes ont été également lus par Michael Londsdale  et François Marthouret. 

Il commence à publier son travail en anglais dès 1998 à New York. Son ouvrage essentiel sur l'art tantrique, Tantra Song, est publié aux États-Unis chez Siglio en 2011. À ce jour, il n'existe aucune traduction en français. Seul l'entretien avec Bill Berkson a été publié dans Po&sie 2014/2 (N°148), éditions Belin, pages 147 à 157. Cet entretien peut être consulté ici

Le poète s'est éteint le 1er octobre 2020. Il nous reste la lumière de ses textes et de ses découvertes. 

L'art tantrique du Rajasthan


source : Pinterest

L'entretien avec Bill Berkson nous donne de précieuses informations. L'art tantrique apparaît dans des traités qui remontent au 17ème siècle. Puis, les images ont été extraites des volumes afin de les peaufiner et de mieux en apprécier leur essence méditative. On ne sait pas qui a créé ces œuvres. 

La tradition a été perpétuée et ces images que l'on appelle des tantrikas, ont été copiées de génération en génération. Elles ont une fonction éminemment spirituelle. Il s'agit là, grâce à la simplicité apparente de ces peintures, de s'approcher de la complexité de l'âme humaine. 
Le caractère anonyme renforce l'universalité de leur message mystérieux auquel on n'accède pas immédiatement. Elles ne sont pas destinées à être encadrées; elles sont simplement punaisées au mur. 

source : Pinterest

Le papier utilisé comporte des traces de l'usure du temps, des imperfections, des déchirures et parfois des textes en transparence. Ces œuvres sont réalisées avec des peintures à l'eau mélangées à des pigments, des fleurs, des plantes et même de la bouse de vache. 
Leur petite taille, entre 18 et 14 cm,  impose une visualisation dynamique. Le regardeur plonge dans l'œuvre pour accéder à une forme de transcendance. Il s'approprie les formes et les couleurs de telle sorte qu'il est amené à se détacher de la réalité du monde extérieur. 


source : Pinterest


Le réseau de signes – triangles, formes ovoïdes, flèches, spirales – s'inscrit dans une symbolique propre au tantrisme, mais leur spécificité universelle les rend accessibles à tout regardeur enclin à la méditation visuelle. Le triangle sombre de Kali poursuit furieusement le cercle rouge de Shiva. Les dimensions du triangle et du cercle sont souvent proches ; la spirale est à la fois fixe et en mouvement dans une sorte d'éternel retour.


source : Pinterest
 

Lors de la première exposition exclusivement consacrée aux peintures tantriques en 1994, figurait un message particulièrement éclairant, écrit par Franck André Jamme: 

"Il m'est souvent venu de penser que l'on avait rarement produit, dans l'histoire de la peinture, des œuvres à la fois aussi mystérieuses et aussi simples, aussi puissantes et aussi pures – un peu comme si le génie de l'homme était arrivé là à rassembler presque tout dans presque rien". 

Texte disponible ici


source : Pinterest

Le néotantrisme

Ce terme a été "inventé" par L.P. Sihare pour qualifier le travail d'artistes qui reconnaissent l'influence de la géométrie des peintures tantriques sur leur travail. C'est un courant artistique qui est né dans les années 1960  et qui se démarque de la philosophie originelle en raison du non-respect de l'anonymat. Ainsi, l'œuvre de K.C.S. Paniker (1911-1977) revendique une parenté avec le Tantrisme et utilise des motifs où abondent des représentations astrologiques, des écritures calligraphiques, des diagrammes, le tout visant à une forme d'abstraction tout en maintenant un lien étroit avec la tradition indienne. 


K.C.S. Paniker
Image empruntée ici


K.C.S. Paniker
Image empruntée ici


De nombreux parallèles ont été établis entre le Tantrisme et le travail de Paul Klee, Piet Mondrian, Constantin Brâncusi et Robert Delaunay. Cette influence a été également revendiquée par des peintres abstraits américains tels que Ad Reinhardt, Mark Rothko, Barnett Newman, Robert Rauschenberg et Jasper Johns. 
 




Acharya Vyakul
Image empruntée ici




Acharya Vyakul
Image empruntée ici



L'artiste qui a su le mieux perpétuer la tradition de l'art tantrique est Acharya Vyakul (1930-2000). Voici ce que dit Franck André Jamme à son sujet :

Acharya Ram Charan Shharma dit "Vyakul" (ce qui signifie "l'excité", en sanskrit, est né le 20 septembre 1930 dans un village du Rajasthan, en Inde ...) Très jeune, il commence à peindre. ce qui l'attire alors, avant tout, ce sont les couleurs "que je me délectais déjà à triturer, à transfigurer" dit-il. Très jeune aussi, il se met à collectionner des objets de culte ou de magie, et toutes sortes de "curiosités". Son existence se partage désormais entre deux activités. L'une visible, qui le fait connaître et reconnaître à travers le pays entier: année après année, sa collection s'enrichit, devient immense. Pour pouvoir la montrer, il fonde bientôt un musée, qui va devenir la plus grande institution indienne privée de ce genre. L'autre activité est clandestine : il peint donc, depuis l'âge tendre, c'est sa passion cachée. Il œuvre d'abord dans le style "tantra -folk". Un mélange de peinture populaire et de peinture tantrique - et puis, au début des années 60, il trouve sa propre façon. (...)


Publication Centre Georges Pompidou

Il faudra attendre fin 1988 pour que, par chance, je le "redécouvre" et obtienne de lui qu'il veuille bien céder quelques peintures pour l'exposition Magiciens de la terre, qui allait ouvrir ses portes quelques mois plus tard au Centre Georges Pompidou. Vyakul avait alors 59 ans et c'était la première fois de sa vie qu'il montrait une (mince) partie de son œuvre à visage découvert. Jusqu'à cet automne 1993, bien entendu, où la Galerie du jour Agnès B. l'a mis à l'honneur."

Extrait du texte de Franck André Jamme, 1993.

La Fab, cliquez ici  



Acharya Vyakul
Image empruntée ici



Et si l'on remontait à la fin 
du 19ème siècle...

Les Tattwa Cards



Image empruntée ici
© Strange flowers

Pardonnez-moi ce retour en arrière que je ne peux pas esquiver. 
Si vous vous promenez sur la Toile en quête d'images tantriques du Rajasthan, on vous proposera immanquablement les Tattwa Cards réalisées par le poète britannique, William Butler Yeats (1865-1939). Yeats a été membre de L'Ordre Hermétique de l'Aube Dorée, (The Hermetic Order of the Golden Dawn) une société occulte qui a exercé une énorme influence dans les pays anglo-saxons à la fin du XIXème siècle. Fondé en 1888, cet ordre a été créé à l'initiative de trois francs-maçons : William Wynn Wescott, Samuel Liddell MacGregor Mathers et William Robert Woodman, à partir de mystérieux manuscrits rosicruciens codés. 



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© Strange flowers


Tattwa est un mot sanskrit qui signifie Réalité ou Vérité. Fortement influencé par l'hindouisme dans ses œuvres tardives, le poète William Butler Yeats réalisa cette série de cartes au tout début du 20e siècle.  Elles étaient destinées à favoriser une expérience visionnaire. La  simplicité, l'intensité des formes et des couleurs s'apparentent aux peintures tantriques du Rajasthan. 



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© Strange flowers


Hilma af Klint (1862-1944)
pionnière de l'art abstrait



Hilma af Klint
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C'est en 1986, lors d'une exposition organisée au Los Angeles County Museum, que sont présentées pour la première fois les œuvres abstraites de Hilma af Klint aux côtés de celles de Kandinsky, Mondrian et Malévitch. 40 ans après sa mort, la peintre suédoise est reconnue comme la pionnière de l'art abstrait, 5 années avant la naissance historique de l'abstraction en 1912. C'est donc en 1907 qu'elle peint une série de peintures monumentales, "Peintures pour le Temple" qui annoncent le Pop Art des années 1960. Elle décide de ne pas montrer ces tableaux et poursuit officiellement une carrière de peintre académique pour gagner sa vie.
 
Son travail abstrait est largement influencé par son intérêt pour le spiritisme et les sciences occultes. C'est en ces mots qu'elle décrit son cheminement : "Ce dont j'avais besoin, c'était de courage. Et je l'ai trouvé grâce à l'influence du monde spirituel, qui m'a donné des instructions rares et merveilleuses."




Hilma af Klint
Image empruntée ici


L'art abstrait ne se satisfait pas de représenter une impression visuelle, il ouvre une voie nouvelle empreinte de spiritualité. Ainsi, Hilma af Klint joue avec les signes, les couleurs et les formes. Elle rejoint, peut-être à son insu, l'art tantrique du Rajasthan. 



Hilma af Klint
Image empruntée ici



Et maintenant ... ?

Des peintres anonymes continuent de perpétuer cette tradition. Des galeries se spécialisent dans cet art éminemment méditatif, des expositions sont organisées. Cela nous invite à réfléchir sur la pertinence de ces manifestations car il s'agit bien d'un dévoiement. Encadrer ces oeuvres, c'est déjà ne pas respecter leur fonction originelle.

De nos jours, l'art minimaliste propose une démarche dont la pertinence méditative est particulièrement inspirante. Je songe en particulier au travail de Gina Cochran et de Julie Wolfe. Ces oeuvres nous invitent à faire une pause, à nous isoler du fracas du monde, à vivre et à penser le silence. 


© Gina Cochran




© Julie Wolfe



Textes en regard

L'art, par définition "artifice", donc fabrication, création complexe, semble bien souvent épris de ce qui pourrait passer pour son contraire, le simple, le naturel, le non "fabriqué", le spontané. Le discours sur le langage et les formes s'est ainsi développé en fonction d'une tension constante entre un réel désir de confrontation à la complexité du monde, ou une soif de beauté à travers l'ornement du langage, et un idéal de simplicité qui se représenterait comme un en-deçà (par exemple, les diverses formes de primitivisme) ou un au-delà de cette complexité. Le concept de simplexité, notamment, développé par le scientifique Alain Berthoz (La simplexité, Paris, Odile Jacob, 2009), permet de comprendre comment le cerveau et les comportements humains ont toujours eu besoin d'inventer des façons de rendre "simples", accessibles, claires et compréhensibles des réalités particulièrement complexes (par la schématisation, l'image, la symbolisation, etc.). 

Fabula, La recherche en littératuresource.

En art (littérature, architecture, sculpture, danse, arts graphiques, musique...) la notion de simplicité est associée à celles de primitivité, de naïveté, de naturel, de stylisation, d'épure, d'abstraction, de minimalisme, de non-art. En littérature, s'invitent dans le débat les questions de rhétorique (qu'est-ce qu'un style simple, et quels sont les buts qu'il recherche ? ), de genres littéraires (la conte, le récit bref, la littérature de jeunesse, la poésie, le roman populaire...), mais aussi d'altérité culturelle ( les cultures orientales et extrêmes orientales, indiennes, africaines, autochtones ont-elles le même rapport à la notion de simplicité que les cultures occidentales ?). L'idéal de simplicité pourra également être pensé, indépendamment des questions de formes, comme le fruit de parcours complexes aboutissant à des choix de vie (sobriété, rusticité, retrait du monde) incarnés par des personnages fictionnels ou par des figures artistiques finalement eux aussi plus complexes qu'ils n'en ont l'air (le "peuple", les "simples", les "innocents", les "idiots"). La simplicité sera ainsi interrogée à travers des formes qui mesurent ces tensions entre la complexité du monde et le désir d'un rapport plus immédiat, plus simple (plus facile?) avec les choses et les êtres. 

Présentation d'un séminaire consacré à L'éthique et l'esthétique de la simplicité, jeudi 10 novembre, 2020, Université de Nantes. Source


Un poème de Franck André Jamme

J'aurai vu.
J'aurai saisi, à force, les trois cercles:
le commun, le propre et celui de l'arcane.
J'aurai su le désir et le vide.

Parfois, trop proche de comprendre,
J'aurai baisé les lèvres de l'abîme.
Quelques chances m'auront sauvé.
Il me faudra beaucoup d'esprit, 
à la dernière passe,
pour rire de l'infime chemin parcouru. 

Franck André Jamme, Au secret, Éditions Isabelle Sauvage, 2010. 

Sites et clin d'œil

Le site de Gina Cochran, c'est ici

Le site de Julie Wolfe, c'est ici

Vous souvenez-vous de l'influence de Ravi Shankar sur la musique des Beatles ? 


Love You to
C'est ici


À très bientôt pour de nouvelles aventures et des surprises, je l'espère. 



Retours en arrière

mardi 3 janvier 2023

RETOURS SUR IMAGES



JLL, 2022

Mon dernier billet billet de blog date du 7 novembre 2022. Comme le temps passe... Pardonnez moi d'ouvrir l'année par un souverain poncif... Je ne vous promets pas de cesser de vous imposer mes calembours à deux sous. Pierre Dac me regarde de son air goguenard, l'oreille en coin et la gouaille alerte. 

L'heure des bilans est le marronnier de chaque début d'année. Je vais donc, pour une fois, sacrifier à la tradition.

Mes coups de cœur 


Tom Phillips (1937-2022)

Image empruntée ici 

Je commencerai par un coup au coeur avec la disparition de Tom Phillips. Vous vous souvenez sûrement de mon billet de blog consacré à The Humument, ce projet tout à fait foldingue et passionnant qu'il a mené durant une cinquantaine d'années.  Pour vous rafraîchir la mémoire, cliquez ici

Il a fait sa malle le 28 novembre 2022 et j'en ai été très affecté. Je me sentais et je me sens toujours proche de sa captivante folie. Deux ultimes ouvrages ont été publiés récemment. Tout d'abord, Humbert, disponible depuis septembre 2022. Il s'agit d'extraits tirés de son journal tenu au jour le jour et comportant de nombreuses illustrations. On peut se procurer cet ouvrage directement à partir du site consacré à son travail, cliquez ici



Image empruntée ici

Image empruntée ici


Le second ouvrage de Tom Phillips, que l'on peut se procurer depuis octobre 2022, est une édition illustrée de The Waste Land, pour saluer le centième anniversaire de la publication du long poème de T.S Eliot. Pour en savoir davantage, cliquez ici



Tom Phillips n'a pas eu la place qu'il méritait sur la scène artistique britannique. Il le regrettait d'ailleurs. Il laisse derrière lui une œuvre originale, intelligente et sensible. On ne se lasse pas de se perdre dans les méandres d'un monde proche, tout proche de celui de Peter Greenaway. 

Au fil des mois



Johan Claasen & Dorien Melis
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Comme vous avez pu le constater, je me suis particulièrement intéressé à l'art minimaliste et au recyclage. J'ai fait des découvertes essentielles qui m'ont permis de me renouveler.

À force de chercher, j'ai parfois l'impression d'avoir trouvé un mode d'expression, une idée qui n'appartient qu'à moi. Peine perdue, je trouve toujours quelqu'un qui a ouvert la voie et avec beaucoup plus de talent et de maîtrise que moi. Je n'en sors pas frustré ou malheureux, j'aime découvrir des artistes qui appartiennent à mon monde. 





Il m'arrive de me demander si je ne suis pas en flagrant délit de plagiat car je suis une sorte d'éponge - je m'imprègne, je recycle, je revisite, souvent à mon corps défendant. Vous vous souvenez du Lagarde et Michard consacré au XVIe siècle ? C'est là que j'ai découvert le concept de l'innutrition. Les poètes de La Pléiade préconisaient l'imitation des textes anciens afin d'aboutir à une création personnelle. Vous allez vous demander si je n'ai pas pété les plombs en me prenant pour Du Bellay. Rassurez-vous, j'ai encore toute ma connaissance. N'y voyez pas non plus de cuistrerie, je suis affligé d'une capacité mémorielle encombrante qui me fait revivre des scènes du passé, en l'occurence mes cours de littérature en seconde dispensés par M. Morisset, l'un de mes tuteurs de résilience, comme dit Boris.


Roman Opalka
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Andreas Luethi
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Revenons à mes coups de cœur. Je me suis plongé avec délice dans l'univers obsessionnel de Roman Opalka pour me retrouver absorbé par celui d'Andreas Luethi. Certains, parmi vous, ont eu un peu de mal à suivre les méandres de mes obsessions personnelles. Ce n'est pas grave, ce blog est aussi un voyage intérieur, une façon de me confronter à mes propres démons. Pourquoi suis-je tant attiré par l'infiniment petit ? 


Yoella Razili
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Je me suis également pris de passion pour le travail de Yoella Razili. Son processus de création s'apparente à l'alchimie car elle transforme en objets précieux et uniques des vestiges faits de bois destinés au rebut. Je la suis sur Instagram et sur Pinterest et à chaque fois, je suis émerveillé par l'extraordinaire sobriété de son travail, si subtil et si séduisant. Elle m'a ouvert de nouveaux horizons et je continuerai à la suivre à la trace au gré de ses publications. 



Gunnar Forsén
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Enfin, le travail de Gunnar Forsén nous a permis de nous rendre dans les brumes du Nord, tout près de la maison mère de l'entreprise bleue et jaune. J'aurais aimé avoir un grand sac jaune pour y loger quelques collages et autres statues. Un jour, je l'espère, je rendrai visite à Gunnar avec qui je corresponds régulièrement. Ces rencontres sur Instagram sont précieuses. 



Ken Kurogiro
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Ainsi, hier, j'ai reçu un message de Ken Kurogiro qui m'informe de l'envoi d'un cadeau surprise. Vous souvenez-vous du billet de blog consacré à Ken ? Voici le lien. Il détient le record de visites ! À ce jour, 37 445 visiteurs. 


Mon travail

C'est un bien grand mot pour un passe-temps. Ce n'est pas un labeur, c'est une nécessité et une thérapie. Je procède le plus souvent par séries ou plus précisément, par marottes. 


JLL, 2022

J'ai eu recours au ligotage. C'était tout d'abord une recherche décorative à mes yeux afin de faire vibrer mes compositions faites de bois flottés ou de souches. Ce n'est que plus tard que je me suis rendu compte de la portée symbolique de ce geste artistique. J'ai toujours été fasciné par le rôle essentiel de la contrainte dans toute production artistique. Me revient en mémoire la citation de Gide, sujet de dissertation proposé par Paul Viguier : "L'art nait de contrainte, vit de lutte et meurt de liberté." Encore une cuistrerie, me direz-vous ... Mes professeurs m'ont beaucoup apporté et j'aime leur rendre hommage. 


JLL, 2022


JLL, 2022


C'est à partir de ce "travail" que je me suis lancé dans les livres et boîtes à secrets. C'est mon grand projet de l'année passée. Je l'ai décrit par le menu lors d'un précédent billet de blog. Pour le relire, si le cœur vous en dit, c'est ici. Je n'en ai pas terminé avec le ligotage et je vous tiendrai au courant de la suite. 


JLL, 2022


JLL, 2022


Enfin, je me suis laissé tenter par la troisième dimension à partir de chutes de bois, de morceaux de palettes, de trésors dénichés au marché aux puces du cours Saleya. C'est un monde totalement nouveau que je découvre, tout en me situant dans la continuité de mon "travail" précédent. Une forme revient, tout à fait à mon insu, celle de la forteresse. C'est à la fois un refuge et une prison. Je me garderai bien de vous en dire davantage. Parlez-en au sofa rouge ci-dessous : 


JLL, 2022

Vous l'aurez compris, mon activité commence à être débordante et je suis débordé... 
Voici ma dernière trouvaille, je ne sais pas encore ce que je vais en faire. Il s'agit d'une batte à côtelettes dont le potentiel d'abstraction s'est immédiatement imposé à moi. 



JLL, 2022



Une exposition


JLL, 2022

J'ai eu le bonheur d'exposer une partie de mes recherches sur le livre à la bibliothèque Romain Gary, 21 bis, Boulevard Dubouchage, à Nice, du 11 mars au 22 avril 2022. C'est un bel écrin, restauré avec goût. J'ai été très honoré de pouvoir exposer mes collages et autres dessins dans le lieu que j'ai jadis fréquenté assidûment lorsque j'étais élève au lycée Masséna. Une visite privée des "entrailles" de la bibliothèque a été organisée et a permis aux visiteurs de découvrir une partie des archives de ce lieu d'exception. J'ai bénéficié d'un accueil chaleureux et je tiens à remercier madame Françoise Michelizza, directrice des bibliothèques de Nice, madame Myriam Cauvin, responsable de la bibliothèque Romain Gary et l'ensemble de l'équipe de la bibliothèque. 


JLL, 2022


Mes prochaines promenades

J'ai quelques projets dans ma besace. Je vous proposerai le mois prochain une promenade au Brésil – ce sera une balade en terre inconnue à la rencontre de l'art brut. Ensuite, je reviendrai au travail du bois, à la découverte de l'œuvre du sculpteur David Nash. Je pense aussi à rendre hommage au peintre Richard Diebenkorn. Sur le papier de l'écran, tout semble organisé; je me laisse quand même le loisir de tout chambouler selon ma fantaisie. 

En ce moment, je prépare une conférence sur La femme sous le regard de Klimt pour l'association Vu pas Vu. 

Entre deux lectures, j'ai composé quelques cartes de vœux que je persiste à envoyer par la voie postale. 



JLL, 2022

Pour clore 

Je sais que vous allez le regretter, mais il me faut bien conclure. Ce sera tout d'abord en musique. J'aime Sarah Vaughan, que m'a fait découvrir mon copain, Jacques Fassola dont je vous ai déjà parlé. 


Image empruntée ici

Et voilà qu'une toute jeune chanteuse suit les traces de Sassie; elle s'appelle Samara Joy. Pour l'écouter chanter Round Midnight, c'est ici. 

Et enfin - c'est vraiment la fin – , saurez-vous identifier le cliché ci-dessous ? 
Creusez-vous la tête. Je vous donnerai la réponse au prochain épisode :


JLL, 2022


Que la nouvelle année vous soit douce et fertile, en dépit du chaos du monde.