UTILE À SAVOIR


Ce blog est alimenté par Jacques Lefebvre-Linetzky. Commentaires et retours bienvenus.


mardi 20 octobre 2015

RAYMOND SANTORO, ALL KINDS OF BLUES ...


Les bleus hypnotiques 



Ma première rencontre avec Raymond Santoro eut lieu à la Librairie-Galerie Rabelais, située rue Défly à Nice, lors d’un vernissage où il exposait son travail aux côtés de Paul Conte. C’était une exposition de grands formats – les cortèges de Paul défilaient, accrochés aux cimaises, tandis que les toiles de Raymond, habillées de bleu et ornées de mystérieux astres colorés, faisaient danser des personnages qui semblaient s’être échappés de quelque fresque grecque ou romaine. La somptuosité baroque de la peinture de Paul faisait vibrer la densité des bleus hypnotiques des tableaux de Raymond.
Je me suis approché de Raymond et nous avons devisé, comme souvent en pareille occasion. Il a un bel accent niçois, il m’a parlé de son travail et il m’a invité à lui rendre visite dans son atelier. Je m’y suis rendu quelques mois plus tard.

Une subtile rhapsodie



mardi 15 septembre 2015

LA CARESSE DU CRAYON


Epurer le réel, © JL+L


Quand j'étais petit… 

Septembre sonne la rentrée et je suis retourné à mes crayons. J’ai toujours aimé la tendresse du crayon. Quand j’étais petit, on l’appelait « le crayon à papier » et plus tard, ce fut « le crayon gris ». Je me souviens des dessins maladroits que je logeais entre deux cahiers cornés dans mon cartable encombré. Il m’arrivait aussi de dessiner sur une ardoise. Un dessin me revient en mémoire, un portrait d’Henri IV d’après une gravure qui figurait dans mon livre d’Histoire. C’était très réussi et j’en étais fier. Malheureusement, il s’effaça dans le fatras que contenait le cartable mentionné plus haut. Je me dis que c’est l’effacement qui me le rendit si précieux.  Il est temps pour moi de revenir au crayon et de quitter le passé pas si simple que ça.

L’outil

Fait de mine et de bois, c’est l’outil "bipolaire" par excellence. Il peut être dur, moyennement tendre ou d’une tendresse infinie. Il se décline en lettres et en chiffres et celui que je préfère, c’est le HB. C’est la mine à tout faire, la bonne mine en quelque sorte. Il faut savoir l’apprivoiser.

lundi 4 mai 2015

ARMAND ET JOËL SCHOLTÈS, L'ARPENTEUR ET LE GARDIEN




© Jacques Lefebvre-Linetzky

« Nous ne verrions jamais aucun paysage nouveau, si nous n’avions, avec nos yeux, le moyen de surprendre, d’interroger et de mettre en forme des configurations d’espace et de couleur jamais vues jusque-là. »

Armand Scholtès





Image empruntée ici


S’il est un peintre qui invite à la promenade, c’est bien Armand Scholtès, peintre lorrain installé sur la Côte d’Azur depuis 1986.  Cela fait cinquante ans qu’il peint, qu’il dessine. Son œuvre foisonnante est d’une variété qui ne cesse d’étonner. Il affectionne les séries, il passe avec aisance d’une peinture monumentale au dessin le plus minimaliste. Il aime se promener le long du rivage, émerveillé par la beauté du paysage. Il est fasciné par l’organisation parfaite des rochers qui surplombent la mer, il se passionne pour les anfractuosités et il s’interroge sur la présence de touffes d’herbes dans cet univers aride. De ses doigts, il cadre ce qui attire son regard, il engrange des images, des lignes, des formes et des sensations. C’est un arpenteur au regard aiguisé et à la mémoire vive. Ce travail d’observation se fait dans le recueillement afin de préparer et d’enrichir l’acte créatif. L’art d’Armand Scholtès est un art de l’épure, de la construction et de l’équilibre. Dessin après dessin, il établit une cartographie de son imaginaire et il nous invite à partager ses émerveillements. Ses dessins et autres aquarelles sont traversés de vibrations secrètes. Sur les feuilles, des fissures se dessinent en une sorte de labyrinthe sans cesse recommencé. Le tracé des lignes est parfois hésitant, comme si l’artiste retenait son souffle devant la beauté du monde. L’œuvre palpite d’une sensualité à la fois primitive et élaborée. Armand Scholtès est un visionnaire qui « donne » à voir.

Jacques Lefebvre-Linetzky (mai 2015)

lundi 6 avril 2015

LULI S'EMBALLE ET NOUS EMBALLE




La photographie ne reproduit pas le visible, elle rend visible, Richard Avedon (1923-2004)


Depuis le 24 mars dernier et jusqu’au 3 mai 2015, Luli Barzman expose ses images « tapisseries » et nous invite à découvrir de mystérieux agencements de couleurs et de textures glanés lors de trois voyages à Marrakech. La thématique retenue est celle de l’emballage – tissus, bâches, cartons, plastiques sont autant de drapés qui habillent un quotidien transfiguré par la magie du regard de l’artiste. Ses photographies hybrides, qu’elle préfère appeler des images, nous plongent dans un monde intensément poétique.



Photo JL+L

Cette invitation au voyage est d’autant plus « emballante » qu’on la découvre dans un lieu inhabituel, une ancienne chapelle construite au XVIIe siècle et désormais désaffectée au culte. Pour y accéder, il faut suivre un dédale de rues, gravir un escalier, passer de l’ombre à la lumière et s’imprégner des charmes du Vieux Nice.

Depuis 2001, l’Association La Semeuse y mène des actions culturelles et artistiques accessibles au plus grand monde. Le Centre culturel de la Providence, c’est ainsi qu’il se nomme, propose des cours de musique, d’arts plastiques et organise régulièrement des spectacles, des concerts, des expositions et des rencontres. C’est aussi un lieu de résidence artistique qui accueille l’Ensemble de la Société de Musique Ancienne de Nice et la compagnie de théâtre BAL.

Centre culturel de la Providence, 8 bis, rue Saint-Augustin, 06300 Nice.
Pour plus d’information voir site : http://www.lasemeuse.asso.fr


vendredi 27 mars 2015

MYRIAM FRANCK



Oui, je sais, c’est un peu facile de vous demander d’ouvrir vos mirettes et de filer ainsi la métaphore après vous avoir jeté de la poudre aux yeux dans mon précédent billet. Mais c’est beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît. Les mirettes, ce sont, bien sûr,  les yeux, ces miroirs de l’âme dans lesquels nous plongeons au gré de nos coups de foudre. Une mirette c’est aussi une espèce de campanule que l’on appelle avec délicatesse le « miroir de Vénus ». Enfin, c’est un outil dont se servent les modeleurs et les sculpteurs pour enlever les excédents de matière au cours du modelage. Alors, ouvrez vos mirettes et écoutez parler la sculpture…

Image empruntée ici 

« C'est en taillant la pierre que l'on découvre l'esprit de la matière, sa propre mesure. La main pense et unit la pensée à la matière. C'est l'acte même du sculpteur face à un matériau dont la connaissance ne s'apprend que lentement, et réserve toujours un inattendu qu'il faudra résoudre sans pouvoir jamais rien ajouter, par seul retranchement. Il faut tailler et non blesser la pierre, trouver la solution devant l'apparition d'une veine ou d'une tache non prévue : il faut savoir lutter avec la pierre, la caresser, la polir, savoir avec angoisse comme avec joie, faire surgir la forme que l'on porte en soi, mais qu'elle peut aussi nous avoir inspiré selon sa texture, la forme même du bloc que l'on a choisi ou trouvé. »

Constantin Brancusi (1876-1957)

Visite


Photo JL+L

Il y a quelque temps, je me suis rendu dans l’atelier de Myriam Franck. Je connaissais son travail pour l’avoir admiré dans des galeries ou chez des amis. Mais se rendre dans un atelier, c’est une expérience beaucoup plus intense. On se trouve là où tout commence, à l’aube de la création, bien avant le verbe. Les sculptures de Myriam, sagement alignées sur des étagères, semblent nous regarder, nous inviter à dialoguer. C’est mystérieux, émouvant, troublant. On s’approche, on touche des yeux, on esquisse un geste, l’ombre furtive d’une caresse. On voyage, on fait une halte au détour d’une courbe, on laisse son imagination vagabonder. Des matières lisses, raffinées et colorées côtoient des formes plus rugueuses, plus mates, plus brutes. L’artiste m’observe tandis que je regarde et me propose de placer certaines œuvres sur une sellette. On accède alors pleinement à la troisième dimension. La sculpture s’offre sur son plateau, on la voit sous toutes les coutures. La lumière la met en scène, accentue des reliefs, sculpte des ombres et souligne les blessures et les tourments de l’argile. C’est un double ballet – celui de l’œuvre sur son plateau et celui de l’admirateur qui lui tourne autour. C’est une ronde amoureuse. Un langage silencieux et singulier s’instaure. Certaines formes sont évidentes, d’autres sont plus secrètes – il faut savoir les apprivoiser. Et puis il y a le travail en cours, l’inachevé qui palpite de promesses à venir.




mardi 24 février 2015

LE PASTEL JETTE DE LA POUDRE AUX YEUX



J'ai décroché


Voir site ici

Le pastel proprement dit est un bâtonnet fabriqué à partir de divers pigments ou poudres de couleurs pures plus ou moins mêlées de blanc suivant la teinte recherchée, puis mélangées avec de la colle, de la gomme arabique, du miel ou du lait pour former une pâte (l’italien pasta, pâte, semble être à l’origine du mot pastello, pastel) qui est façonnée en forme de cylindre puis mise à sécher.

Source : Encyclopédie Universalis


La semaine dernière, j’ai décroché… Je veux dire par là que j’ai retiré mes pastels des cimaises de la Galerie Demena. L’exposition a duré un peu plus longtemps que prévu initialement grâce à l’obligeance d’Evelyne que j’aime appeler la « dame de la galerie » – je trouve que cela fait très chic. Ils sont désormais bien emballés et soigneusement rangés dans des sacs et une grosse valise, à l’abri des regards et de l’humidité. J’aime bien l’idée de ranger des tableaux dans une valise, c’est comme s’ils partaient en voyage. Un jour, peut-être, montreront-ils le bout de leur nez au détour d’une autre exposition? J’en ai gardé quelques uns, à portée de main, pour voir comment ils résistent au temps qui passe.

lundi 5 janvier 2015

À LA RENCONTRE DE PAUL CONTE


Le geste du peintre selon Paul

Un geste souvent incertain à l'instant décisif de la création, qui peut naître du hasard et qui mène vers un territoire incertain (terra incognita).  

Ma première rencontre avec Paul

C’était en mai 2014 lors d’un vernissage à la galerie Tsadé à Nice. Il y avait du monde qui se pressait dans le petit espace, la foule débordait même sur le trottoir. Je me souviens avoir frôlé du regard les somptueuses sculptures de Myriam Franck et puis, soudain, je me suis senti attiré par des formes et des couleurs, par une énergie presque magnétique. Des personnages dansaient, des voiles surgissaient, des mains se tendaient en de voluptueuses farandoles. Il y avait quelque chose d’éminemment romain, comme si des fresques, enfouies depuis longtemps, revenaient à la vie. Je me souviens avoir joué des coudes afin de m’approcher de ces tableaux à la matière subtile et vigoureuse. Je me faufilais et je découvrais, par dessus une épaule ou entre deux visages, des silhouettes finement dessinées qui m’invitaient au voyage. Il n’était pas facile de s’approcher des œuvres et c’était à chaque fois comme une petite victoire.
Je ne connaissais pas le travail de Paul, ce fut une révélation presque mystique.  Je fis quelques allers et retours entre l’intérieur de la galerie et le trottoir, envahi par ces images d’une beauté à la fois fugace et persistante. Une amie me dit que le peintre de ces merveilles était présent, à deux pas de moi. Je ne savais pas trop comment lui dire mon admiration. Il était entouré d’amis, je n’osais interrompre leur conversation. J’avais une carte sur moi, comme toujours. Je m’approchai et, tout en lui disant tout le bien que je pensais de son travail, je lui glissai la carte dans la main. À ma grande surprise, il me contacta peu de temps après…
Depuis, nous ne cessons d’échanger, de partager, de deviser et, suprême récompense, il me dit parfois qu’il est jaloux de mon travail ! J’y crois à moitié car Paul est d’une rare générosité. L’été dernier, il m’a proposé d’exposer à ses côtés, un vrai cadeau de la vie.