UTILE À SAVOIR


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mardi 20 octobre 2015

RAYMOND SANTORO, ALL KINDS OF BLUES ...


Les bleus hypnotiques 



Ma première rencontre avec Raymond Santoro eut lieu à la Librairie-Galerie Rabelais, située rue Défly à Nice, lors d’un vernissage où il exposait son travail aux côtés de Paul Conte. C’était une exposition de grands formats – les cortèges de Paul défilaient, accrochés aux cimaises, tandis que les toiles de Raymond, habillées de bleu et ornées de mystérieux astres colorés, faisaient danser des personnages qui semblaient s’être échappés de quelque fresque grecque ou romaine. La somptuosité baroque de la peinture de Paul faisait vibrer la densité des bleus hypnotiques des tableaux de Raymond.
Je me suis approché de Raymond et nous avons devisé, comme souvent en pareille occasion. Il a un bel accent niçois, il m’a parlé de son travail et il m’a invité à lui rendre visite dans son atelier. Je m’y suis rendu quelques mois plus tard.

Une subtile rhapsodie




Raymond s’est préparé à ma visite. Sur la table du salon, il a déposé d’épais cartons à dessin qui recèlent des trésors. Un à un, je les découvre. Les bleus se succèdent, l’indigo domine, mais peut-être est-ce du bleu de Prusse ?  Le bleu de cobalt rivalise avec l’outremer et parfois, des gris secrets viennent adoucir cette subtile rhapsodie.  Raymond travaille les corps, sa peinture est un corps-à-corps. Ce sont des rondes, des rencontres, des échanges de regards, des mains tendues, des gestes esquissés, des corps laiteux à la sensualité douce et veloutée. L’artiste semble chercher à s’emparer du temps qui passe. Quête vaine, bien sûr, mais n’est-ce pas ce qu’on appelle la beauté du geste ? Ces personnages ont parfois des langueurs qui rappellent les sculptures et les dessins de Henry Moore. Raymond est également sculpteur – il peint comme on sculpte.

Un univers composite et harmonieux



Les nymphes voluptueuses et les héros musculeux se promènent dans un univers à l’architecture monumentale. Ils sortent des murs, ils s’adossent contre des colonnes ou bien ils courent dangereusement sur quelque pont fragile – les danseurs sont aussi des funambules. L’artiste se plaît à rompre la symétrie, à perturber notre sens de l’équilibre. Et puis, il y a ces astres, petits et grands, dont la couleur éclate sur la toile. Ils ont le regard unique de Polyphème, ils nous plongent  dans un univers surréel, ils volent la vedette au bleu dominant. J’ai un faible pour cette scène qui représente un groupe à l’assaut d’un astre orangé – s’agit-il d’un astre déchu ou d’une représentation métaphorique du rocher de Sisyphe ? 


La peinture de Raymond se mérite, il faut aller au-delà des apparences. Enfin, nichés dans l’embrasure d’une porte ou accoudés au rebord d’une fenêtre, de petits personnages colorés contemplent des dames lascives aux formes arrondies. Regard de l’artiste et regard du spectateur se confondent.



Une peinture musicale


La peinture de Raymond est à la fois silencieuse et musicale, figée et mobile. Des musiciens investissent les toiles, font vibrer les cordes tandis que veille une lune orangée et un petit auditeur-observateur clandestin. Raymond a une passion pour le jazz et pour la trompette en particulier. On l’imagine très bien au travail, s’enivrer des improvisations fulgurantes de Miles Davis dans Kind of Blue.




Écoutez/voir en cliquant ici 



Travailleur acharné, Raymond Santoro enchaîne et accumule des scènes au pouvoir évocateur, il donne à voir et il laisse l’imagination vagabonder, il convoque le silence et suggère la musique, il saisit un mouvement et le fixe en une attente émerveillée.




Mieux comprendre le bleu




« Pour les Égyptiens, comme pour d’autres peuples du Proche et du Moyen-Orient, le bleu est une couleur bénéfique qui éloigne les forces du mal. Il est associé aux rituels funéraires et à la mort pour protéger le défunt dans l’au-delà. Souvent le vert joue un rôle voisin et les deux couleurs sont associées.
En Grèce, le bleu est moins valorisé et plus rare, même si dans l’architecture et la sculpture, fréquemment polychromes, le bleu sert parfois de couleur de fond sur laquelle s’inscrivent les figures (ainsi certaines frises du Parthénon). Les couleurs dominantes sont le rouge, le noir, le jaune et le blanc, auxquelles il faut ajouter l’or. Plus encore que les Grecs, les Romains voient dans le bleu une couleur sombre, orientale ou barbare ; ils l’utilisent avec parcimonie. Pour eux, la couleur de la lumière n’est nullement le bleu mais le rouge, associé au blanc ou à l’or. »

Michel Pastoureau, Bleu, Histoire d’une couleur, collection Points, 2000.


Conférence en ligne au Louvre

Les couleurs du Moyen-Âge par Michel Pastoureau, historien des représentations, cliquez ici 


Le site de Raymond Santoro

Rendez vous sur le site de Raymond Santoro en cliquant ici


Texte et mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky


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