UTILE À SAVOIR


Ce blog est alimenté par Jacques Lefebvre-Linetzky. Commentaires et retours bienvenus.


dimanche 9 janvier 2022

Rien que pour vos yeux...

 

Atelier Badani

© Christophe Badani


Trait hors des chemins, sûr de son chemin, qu'avec nul autre on ne saurait confondre.
Trait comme une gifle qui coupe court aux explications. 
Peinture pour l'aventure, pour que dure l'aventure de l'incertain, de l'inattendu. Après des années toujours encore l'aventure. 

Henri Michaux, Émergence-RésurgenceSkira, 1972, p.72. 


Je suis en retard cette année, en retard sur bien des choses. Mon dernier billet de blog remonte au 27 septembre 2021. Procrastination, crise de flemme, grisaille ambiante, je ne sais – un peu de tout, je suppose. 

Et puis, 2021 vient de se faire la malle et on se demande bien ce que nous réserve cette nouvelle année dont tout le monde semble se réjouir. Je suppose qu'il s'agit d'une façon de conjurer le mauvais sort. 

Je ne sais pas trop quoi en penser de cette nouvelle année. Elle vient de m'envoyer Omicron dans la tronche – pardonnez-moi ce vocabulaire peu élégant, mais c'est vrai que ce vilain virus commence à ...  vous voyez ce que je veux dire – je ne me risquerai pas à utiliser le verbe qui "échappa" à notre président. Comme je ne suis pas un perdreau de l'année, je suis dûment vacciné et ce ne fut qu'une expérience inconfortable, l'espace de quelques jours. Je suis donc à l'isolement, ainsi que mon épouse. Nous nous croisons, masque sur la figure. C'est irréel...

Confiné dans mes quartiers, je n'ai cessé de penser à ce premier billet de blog de l'année. J'ai peaufiné la première phrase dans ma tête et puis, elle est partie aux oubliettes. Au fond de moi-même, je savais qu'il me suffisait de m'y mettre pour que les mots viennent. Bon, me direz-vous, c'est pas parce qu'on s'y met que l'on accouche d'un bon texte. Ça c'est sûr, comme dirait ma concierge, sauf que de concierge, je n'en ai pas. Je m'égare (du nord). Je me sens d'humeur facétieuse au fur et à mesure que j'écris ce texte. J'aime les blagues à deux sous et les jeux de mots alambiqués. Je vénère Pierre Dac et Raymond Devos, ça vous le savez déjà. 

J'ai donc passé de longues heures sur un canapé-lit avec pour compagnie, un joli nounours et une charmante marmotte en peluche. 

Finalement, j'ai décidé d'avoir recours aux lettres. J'imagine votre visage perplexe à lecture de cette phrase. 

Allez savoir pourquoi, j'ai eu envie de me replonger dans l'univers de Paul Klee avec mes deux peluches pour fidèles compagnons. Klee est d'actualité puisqu'une belle exposition lui est consacrée au LaM à Villeneuve-d'Ascq jusqu'au 27 février 2022. Elle s'intitule, Paul Klee, entre-mondes et elle explore les rapports entre l'œuvre de Klee et "l'art des fous", l'art des enfants et des primitifs - un angle tout à fait original et pertinent. 



Paul Klee, Besessenes Mädchen 
(Jeune fille possédée)
29 x 43, 2 cm, 1924
Fondation Beyerler, Bâle
Image empruntée ici



Paul Klee, Daemonisches Fraulein, 
(Demoiselle démoniaque)
30,9 x 45,6 cm, 1937 Coll. Zentrum Paul Klee, Berne
Image empruntée ici


J'ai également consulté d'anciens catalogues et au fil des pages, je me suis délecté de ses farandoles de lettres. C'est magique et fascinant. Pour l'obsessionnel que je suis, faire danser les lettres, c'est une expérience proche de l'extase; j'exagère à peine. 




Paul Klee, Jadis surgi du gris de la nuit,
15,8 cm x 22,5 cm, 1918
Coll. Zentrum Paul Klee, Berne
Image empruntée ici 


Paul Klee, La pastorale, 52,4 cm x 69,3 cm, 192I
Museum of Modern Art, New York
Image empruntée ici



Paul Klee, Grenze (Frontière), 35,4 cm x 50 cm, 1938
Coll. Zentrum Paul Klee, Berne
Image empruntée ici

Lettres alignées aux couleurs syncopées, traces gravées en un alphabet poétique selon un schéma faussement répétitif  où les lignes se promènent à leur guise, signes d'une maladresse délibérée que l'on imagine orner quelque grotte préhistorique. Ce monde mystérieux me ravit. Ce n'est pas une découverte récente – Klee m'accompagne depuis des années. 
D'autres peintres, graphistes et calligraphistes m'ont également ouvert la voie. Écrire c'est peindre, peindre c'est écrire, c'est ce que fit Henri Michaux et beaucoup d'autres qui peuplent mon imaginaire. J'aime cette chorégraphie de signes et de lettres que je collectionne au gré de mes recherches. Je ne cesse de scruter les merveilleux travaux de Denise Lach, Christophe Badani et Benoît Sjöholm. J'ai parfaitement conscience qu'il m'en reste d'autres à découvrir et à aimer. 



Henri Michaux, peinture à l'encre de chine 
reproduite dans Émergence-Résurgence
Skira, 1972, p.62. 
Image empruntée ici




Denise Lach, article 8, 50 x 65 cm, 2000
The Berlin Calligraphy Collection
Image empruntée ici



Christophe Badani 
encre de chine sur papier, 
30 x 42 cm
Image empruntée ici 



Benoît Sjöholm, sérigraphie, 2018
Image empruntée ici


J'allais presque oublier l'exposition intitulée, Écrire, c'est dessiner, que l'on peut voir en ce moment au Centre Pompidou-Metz et qui honore Etel Adnan en regard des œuvres de Pierre Alechinsky, Roland Barthes, Louise Bourgeois ainsi que des manuscripts autographes d'écrivains illustres, tels que Victor Hugo, Arthur Rimbaud, Antonin Artaud... 


Etel Adnan, Rihla ila Jabal Tamalpais (Voyage au Mont Tamalpais), 2008

Etel Adnan
Image empruntée ici


L'an dernier, j'ai osé franchir le pas et je me suis fabriqué mon propre système d'écriture après m'être passionné pour l'écriture asémique. Ce terme, qui peut paraître abscond, définit une écriture dénuée de sens. L'intention est d'imiter sans signifier quoi que ce soit. Ainsi se crée presque spontanément une sorte de vertige esthétique fait de hiéroglyphes indéchiffrables.. 

Je me souviens, qu'enfant, je me disais qui si je répétais le mot chaise à l'infini, il perdrait tout sens pour ne plus être qu'un son. J'étais un drôle de gamin. 

Je vous ai sélectionné, en guise de cartes de vœux virtuelles, quelques unes de mes recherches réalisées l'an dernier. Vous constaterez que je me suis également intéressé à l'effacement du texte. Le champ des possibles est immense et j'ai du pain sur la planche. 

Ce travail, que j'ai entrepris avec sérieux, n'est, bien sûr, que broutilles au regard des œuvres que j'ai sélectionnées ci-dessus. C'est en toute simplicité que je les confie à vos yeux interrogateurs; surtout ne me demandez pas combien de temps j'ai mis pour les faire, chut, c'est un secret. 

Que la nouvelle année vous soit radieuse...


Encre et crayons de couleur, 42 x 59,4 cm, 2021


Encre et crayons de couleur, 42 x 59,4 cm, 2021


Collage, 60x 80 cm, 2021


6 pages de livre, recyclage au feutre, 2021