L’artiste au travail
Caspar David Friedrich dans son atelier (1819)
Lorsque le peintre se met en scène dans son atelier, il effectue un
arrêt sur image, il met le temps entre parenthèses. Il est l’objet premier de
la représentation dans une tentative effrénée de saisir au vol le geste de la
création. Deux moments particulièrement intenses s’imposent alors à l’artiste.
Celui du commencement où la main s’apprête à laisser la toute première trace et
celui de l’achèvement où il se met à distance afin de se conforter dans l’idée
qu’il n’y a plus rien à faire, plus rien à ajouter. Le geste de trop pourrait à
jamais ruiner ses efforts.
Le champ de la photographie
© Lucien Clergue
La photographie s’est tout d’abord attachée à saisir une posture
dans une mise en scène souvent artificielle. L’artiste prend la pose, se
contemple dans le miroir de la photographie qui n’a pas encore été développée.
Souvent, l’environnement dans lequel il est photographié nous révèle une partie
secrète de lui-même. Cela se fait presque à son corps défendant. Les progrès de
la technologie ont permis aux appareils photographiques d’être plus légers,
plus discrets, plus rapides. Pour saisir le geste, le photographe doit
s’effacer, ne plus exister. Certains peintres en profitent pour investir le
champ propre au photographe. Francis Bacon ou Picasso dévorent littéralement
l’objectif et s’affranchissent de l’emprise du photographe. Ce regard direct,
qui s’apparente à celui d’un prédateur, est dérangeant à maints égards pour le
« regardeur » qui tente, par la suite, d’en percer le mystère.