© Jacques Lefebvre-Linetzky
Je suis un ramasseur de vieux cartons, un recycleur impénitent. Lorsque je me promène en ville, mon œil vagabonde à la recherche de plaques ondulées défraîchies. J’aime ces piles déposées à même le trottoir par les magasins ; j’aime ces cartons, repliés les uns contre les autres, attendant d’être ramassés par les services de la voirie. Malmenés, empilés, déchirés, maculés, ils portent sur eux les stigmates du temps qui passe et les griffures des jours. D’autres sont propres et nets, entassés sagement, alignés comme à la parade, disposés par des mains expertes et respectueuses de l’environnement.
© Jacques Lefebvre-Linetzky
J’ai toutefois une préférence pour ceux que la vie n’a pas
épargnés. Ces amoncellements, rebuts de notre société de consommation, s’apparentent
à des ruines, à des vestiges qui ne s’offrent pas d’emblée au regard du
passant. Pour en apprécier le secret murmure, il faut savoir ralentir le pas,
il faut savoir s’attarder, il faut apprendre à se mettre entre parenthèses.
D’un naturel volontiers impatient et quelque peu impulsif, j’aime prendre la
pause en contemplant ces décombres de carton.