UTILE À SAVOIR


Ce blog est alimenté par Jacques Lefebvre-Linetzky. Commentaires et retours bienvenus.


vendredi 15 mars 2019

JOS VAN DE VEN, UNE MODERNITÉ CLASSIQUE



Jos van de Ven est un peintre néerlandais, né dans le sud des Pays-Bas, non loin de la petite ville où naquit Vincent Van Gogh.



© Jos van de Ven
image empruntée ici

Biographie en morceaux épars

Jos a sept ans. Dans le salon familial, il contemple les portraits de ses ancêtres peints à la manière de Rembrandt. Il est fasciné par l’expression de leur visage, par le jeu des lumières et par la vie qui semble irradier de ces portraits à la fois familiers et mystérieux. L’enfant, ébloui, se souviendra pour toujours de cet enchantement.

Jos a dix-huit ans. Il aime le dessin et la peinture, il aimerait s’inscrire à l’Académie des Beaux-Arts d’Amsterdam, mais en vain, son dossier est refusé, il n’est pas dans l’air du temps.

Jos est un voyageur. Déçu, il s’engage dans le corps des Marines de son pays et part ainsi à la découverte du monde. La peinture ne le quitte pas pour autant. Il vogue, il peint, il dessine. On l’imagine en baroudeur des mers tel un héros de Joseph Conrad ou de Jack London. Jos a l’âme d’un aventurier.

Jos découvre le monde, absorbe des paysages et se constitue son musée idéal. Il découvre Monet et ses fulgurantes impressions. Il hésite entre réalisme et abstraction.


Jos a vingt-trois ans lorsqu’il vend sa toute première toile lors d’un voyage en Camargue. Il conduit une 2CV jaune et sillonne la France au gré des soubresauts de la suspension chaloupée de cette automobile économique et sonore. Il se rend en Espagne et rencontre Salvador Dali par le plus grand des hasards. Il devise avec le Maître et le regard du jeune homme sur le monde et sur la peinture s’en trouve transformé. L’illusion fait désormais partie de sa quête artistique.

Jos voyage, bricole ici et là dans le cinéma. L’aventure est toujours au détour du chemin. Il entame des études de gestion et de philosophie, il s’implique dans l’humanitaire et n’abandonne ni le pinceau, ni le crayon. Lors d’un voyage en Espagne, il fait la connaissance du peintre Miguel Arguello qui l’encourage à persévérer. On comprend la fascination qu’exerce sur lui le peintre espagnol dont les toiles sont une représentation du réel comme s’il s’agissait d’une illusion. Jos va travailler dur afin de se forger une technique et de maîtriser son geste de peintre.

Jos a 37 ans lorsqu’il expose ses tableaux pour la première fois à Amsterdam. En 1986, il expose en solo ses peintures surréalistes.

Jos cherche son style. Il découvre une série d’articles dans un magazine d’art à propos des techniques de la peinture hollandaise de l’Âge d’or. Il étudie les grands maîtres, il absorbe quantité d’informations et rencontre l’auteur de ces articles, le peintre Cornelis LeMair qui devient son ami. Ce travail acharné lui permet de s’approcher de la perfection technique de ces peintres hollandais tant adulés. Une nouvelle aventure vient de commencer.



© Jos van de Ven, Rhapsodie en blanc, 2008
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Pourtant, il fait une pause de cinq ans aux États-Unis et ne peint presque plus.



© Jos van de Ven, La palette de l'artiste, 2014
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À son retour, il reprend ses pinceaux – le geste est là, la maîtrise de la matière et de la lumière guide ses doigts rapides et sûrs. L’aventurier est prêt, sa peinture est à la fois moderne et classique. Il sait aller au-delà des apparences, sublimer le réel pour susciter le rêve, la méditation et l’introspection.



© Jos van de Ven, Symphonie 1, 2015
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© Photo, Jacques Lefebvre-Linetzky

À l'âge de cinquante ans, Jos pose ses valises et ses pinceaux en France, en Bretagne plus précisément. Il peint, il expose de par le monde, jusqu’en Chine. Il dispense des cours et forme des élèves avec patience et bienveillance. Il est désormais un peintre reconnu et admiré. Il a gagné de nombreux concours et il continue son chemin vers de nouvelles aventures. Le baroudeur, héritier de Conrad et de London, continue de nous faire rêver.

J’ai eu la chance d’être l’élève de Jos, la chance de bénéficier de ses conseils avisés, la chance de le voir au travail. Le regarder peindre un verre à la transparence lumineuse est une expérience unique. Il m’arrive parfois de lui envoyer mes tentatives et qu’elle n’est pas ma joie lorsqu’elles rencontrent son approbation.


Natures mortes, avez-vous donc une âme ?


La peinture des choses immobiles atteint sa complète maturité artistique au 17e siècle. Ce genre se diversifie en une grande variété de sujets dont certains peintres se font une spécialité: bouquets ou guirlandes de fleurs, corbeilles ou coupes de fruits, tables servies ou fin de repas, desserts et confiseries, tabagies, scènes de cuisine, natures mortes de gibiers, de poissons, de coquillages, trophées d'armes, livres, instruments de musique ou de sciences, jusqu'à l'apparent désordre des bric-à-brac. Certaines de ces natures mortes sont directement issues de trois sujets religieux:
- Les tableaux de fleurs dérivent des scènes de l'Annonciation et de l'iconographie mariale.
- Les tables servies rappellent les Noces de Cana ou la Cène
- Les natures mortes de livres et vanités s'inspirent des cellules de saint (Souvent Saint Jérôme). 


Source : Musée des Beaux-Arts d’Orléans, lien ici

Quelle expression moins appropriée, pour désigner la représentation d'objets usuels, de denrées alimentaires, d'animaux ou de fleurs, toutes choses qui ont à voir avec les sens, le plaisir, bref la vie même, que celle de "nature morte" forgée, semble-t-il, au milieu du XVIIIe siècle, à l'époque où, précisément, triomphe l'art de Chardin? En 1667, pour définir le moins noble des sujets selon la hiérarchie académique des des genres, le critique français André Félibien parle de "choses mortes et sans mouvement", désignant ainsi tant l'aspect des objets que leur état physique. Cette notion d'absence de mouvement qui ne sous-entend pas nécessairement l'idée de mort, est essentielle: on la retrouve sous une forme un peu ambigüe chez Diderot ("nature inanimée"), mais il semble que ce soit aux Pays-Bas aux alentours de 1650 qu'elle ait vu le jour, avec une acception technique: les peintres hollandais, dans leur langage d'atelier, parlent alors de still-leven, ce qui, littéralement, signifie " nature immobile" ou encore "nature posant comme un modèle" (et non explicitement "nature morte"). De là sont issus l'allemand Stilleben et l'anglais still-life, qui ajoutent à l'idée de pose celle du silence, également présente en France, au milieu du XVIIe siècle, dans l'expression "vie coyes".

Source: Robert Fohr, Encyclopédie Universalis.





Willem Karl (1619-1693)
Nature morte avec une aiguière en argent,1656.

L’un des maîtres que Jos admire au plus haut point est Willem Kalf (1619-1693). Willem Kalf est un talentueux représentant du baroque néerlandais. Il excelle dans la représentation de pièces d’orfèvrerie, de faïences, de porcelaines de Chine, disposées sur des luxueux tapis. Souvent, il fait figurer des objets plus rares tels que des coquillages. Sa plus belle œuvre est vraisemblablement la Nature morte d’Aix-la-Chapelle (Suermondt-Ludwig-Museum) où le jeu des illusions allie le métal, l’or et l’argent.

Les natures mortes de Jos



 © Jos van de Ven, Jeu de lumière, collection particulière
Image empruntée ici

Jos van de Ven est un artiste de la lumière. Il joue avec les ombres, il multiplie les plis et les replis, il se joue des transparences et façonne le réel qu'il drape d'illusion. La composition en triangle est d'une impeccable rigueur. La table, au premier plan, est solidement arrimée, pareille à une scène de théâtre. L'œil vagabonde, s'arrête sur un reflet, saisit le contenu d'un verre, épouse le galbe d'un fruit, s'attarde sur le détail d'un vase au bleu de Delft. L'ensemble est tout à la fois foisonnant et épuré. Comment l'artiste parvient-il à une telle symbiose? Tout semble être calme, volupté et profusion. Pourtant, la solidité de la composition est mise en péril et c'est là que se situe la clef du mystère. L'assiette est en équilibre instable, retenue par la matière du tapis et de la nappe. L'écorce d'un citron pelé s'échappe et déborde de la table. C'est la vie qui déroule son cours. Le couteau dont la lame est coincée sous un plat d'étain surplombe le vide. C'est ce vide qui donne au tableau toute son âme. C'est ce vide qui nous fait retenir notre souffle et nous met en apnée. C'est ce vide qui arrête le temps et nous offre un instant d'éternité. 


© Jos van de Ven, Mes outils,
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Quoi de plus familier que les outils du peintre? L'artiste au travail se met en scène sans se représenter. Il est pourtant bien présent. On l'imagine prêt à se mettre à l'ouvrage. Jeux de transparences, mise en scène d'objets "humbles", composition triangulaire, contraste entre une lumière éclatante au premier plan et un fond dense qui absorbe le regard. La nature morte vibre au gré des couleurs et des plis de la matière. L'équilibre régit l'organisation de l'ensemble. Le pinceau est délicatement posé sur le bol, le couteau à peindre déborde de la table, mais il ne risque pas de choir. L'espace du vide est suggéré par l'ombre de la lame du couteau sur le chiffon du peintre. Les ombres prolongent la vie des objets et ménagent des faisceaux lumineux. Enfin, un détail accroche le regard; c'est le bord ébréché du bol. Jos van de Ven affectionne particulièrement ce genre de défaut, cette aspérité. Cela inscrit le bol dans une dimension temporelle. Ce bol a vécu d'autres vies par le passé, mais surtout, il est le signe de l'imperfection des choses dans cet univers trop parfait. Cette ébréchure est une affirmation de vie qui recèle sa propre finitude, c'est une écornure que le peintre fait subir au réel. 




© Jos van de Ven
Le bol de Jos, collection particulière

Pour lire le billet de blog de Cathie Fidler à propos de ce bol, cliquez sur ce lien.





© Jos van de Ven,
Ode à Magritte, 2017


Ce tableau s'intitule justement, Ode à Magritte. Cette pomme en lévitation est un hommage appuyé au maître du surréalisme dont la pomme est un motif récurrent. Pommes à croquer, pommes révélatrices, pommes dissimulatrices, pommes lisses et pommes flottantes, pommes en relief, pommes vertes, de préférence. Au-delà du visible apparent se trouve le visible caché. Ainsi s'exprime René Magritte à propos de son œuvre, Fils de l'homme : "Dans un tableau récent, j'ai montré une pomme devant le visage d'un personnage. (...) Du moins, elle cache le visage en partie. Et bien là, il y a donc le visage apparent, la pomme qui cache le visage caché, le visage du personnage. (...) Chaque chose que nous voyons en cache une autre, nous désirons toujours voir ce qui est caché et que le visible ne nous montre pas".

Que nous cache la pomme de Jos? Elle ne nous cache rien — jolie trouvaille du peintre qui se joue des illusions. La pomme révèle la transparence du verre. Toutefois, cette pomme ne nous dit pas tout — elle flotte au-dessus d'une étendue aquatique  aux couleurs improbables, empruntées au monde de Dali. La côte se dessine au loin. Cette pomme s'est échappée de la table et des plis de la nappe; elle semble voler du temps au temps. C'est une éternité en suspens prise dans l'instant. La peinture est aérienne, inscrite dans une dynamique de l'élévation, mais elle est également lourde (de sens?). Le poids de la pomme, c'est l'ombre portée, c'est l'ombre du vide, présente dans les natures mortes de l'artiste. On est confondu par la perfection de sa technique, on se laisse embarquer dans un voyage dont la destination reste à jamais mystérieuse. C'est une invitation, une convocation, une interrogation, une "non réponse", une illusion, un jeu... 




© Jos van de Ven,
La Muse, 2013
Image empruntée ici


Le peintre ‘et’ sa muse, le peintre ‘est’ sa muse – tout un programme. Jos ‘s’amuse’ et se lance des défis. Une jeune femme de dos, quoi de plus propice au rêve et au désir ? Peindre la peau, ses nuances, son velouté comme s’il s’agissait d’une porcelaine. Peindre les ombres, caresser la toile du regard, se laisser hypnotiser par le jeu des lumières. La belle ne se révèle pas totalement et c’est bien ainsi. Elle regarde vers un au-delà qui plonge dans les ténèbres, ses ongles d’un rouge vermillon affirment sa sensualité, de même que la fleur qui retient son chignon. La nuque, tendre et fragile, investit le tableau d’une vibration secrète et enveloppante. La jeune femme voit-elle le fil, la jeune femme voit-elle la pomme ? Vient-elle de croquer la pomme ? S’apprête-t-elle à la croquer à nouveau ? Le peintre se joue de notre regard et joue avec nos fantasmes. À l’ébréchure du bol répond la trace de la morsure gourmande — l’éclair de la chair du fruit est en écho avec la chair lisse et soyeuse de la dame. Enfin, il y a ce reflet, si ténu, si présent au sommet du fruit, souvenir des savantes compositions des peintres de l’Âge d’or.  




© Jos van de Ven,
La Muse (détail) , 2013
Image empruntée ici

Les stages



© Photo, Jos van de Ven


Jos van de Ven s'est fixé au château de La Ville Chaperon à Hénon dans les Côtes d'Armor en Bretagne. Les stages qu'il propose se déroulent dans son atelier sur une période de cinq jours. 

Pour de plus amples détails, cliquez sur ce lien





©  Photo, Jos van de Ven 


Le site de Jos, c'est ici

Les textes figurant dans la rubrique "A propos" sur le site de Jos sont d'Hélène Blockelet. Les indications biographiques m'ont été précieuses. 


Tutoriels

Confirmation du dessin, cliquez sur ce lien.

Première couche d'huile, cliquez sur ce lien.

Touches finales, cliquez sur ce lien.

Remerciements


Je tiens à remercier Jos van de Ven de m'avoir autorisé à faire figurer les œuvres qui illustrent mon propos. 


Texte et mise en page

Jacques Lefebvre-Linetzky, 2019  


© Jos van de Ven, 
Étude en blanc, 2017










3 commentaires:

  1. merci pour ce travail de passeur que vous faites . Pour des raisons de santé je ne peux pas suivre vos propositions de rendez-vous mais je lis vos courriers avec intérêt . Françoise Maunoury , une collègue.

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  2. Belle promenade Cher Maître et Bonne route.
    MA. Christine

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  3. Quel parcours atypique et quel talent !!
    Les peintures de Jos me font rêver
    C'est l'objectif de tout artiste, n'est ce pas : nous faire oublier les noirceurs de la vie ...

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