Ça s’en va et ça revient, c’est comme une chanson populaire… vous connaissez la chanson. L’an neuf est donc revenu avec ses espoirs et ses incertitudes, ses trouées de lumières et ses ténèbres abyssales, ses colères et ses plages de sérénité, ses voyages imaginaires, ses découvertes et ses voyages immobiles. Je vous souhaite une année « apaisée », des douceurs et des rêves voluptueux ; je vous souhaite une année où perlent des rires d’enfant ; je vous souhaite une année de partages, de complicités ; je vous souhaite une année plus sage et moins folle. Ça marche aussi dans l’autre sens, je vous souhaite donc une année plus folle et moins sage. La sagesse populaire parle de folie douce.
La magie des morceaux de bois et autres branchages
Pour ouvrir cette année, je vais vous parler d’une passion qui m’habite depuis longtemps, depuis vraisemblablement lors de mes balades dans les forêts du Jura lorsque j’avais 7 ou 8 ans. Cela ne date pas d’hier, je vous le concède. J’aime ramasser des morceaux de bois, observer leur écorce, suivre les sinuosités de leur « peau rugueuse », me perdre dans les méandres torsadés qui vrillent leur corps mutilé. Ils sont le plus souvent brisés par le vent ou la tempête. Ces brisures sont à la fois le signe d’une finitude et l’annonce d’un je-ne-sais-quoi, comme disait le philosophe mélomane. C’est un peu comme une année qui se termine, vite remplacée par la suivante. Je continue à ramasser ces bouts de bois et à les admirer comme des sculptures imaginées par quelque artiste un peu foldingue. Je les photographie, je les mets en scène, je les tourne et les retourne.
J’aime les dessiner, c’est un
défi somptueux et presque dérangeant. J’ai parfois l’impression d’explorer mon
propre cerveau, je m’autoradiographie en quelque sorte. Je suis heureusement
incapable d’analyser le résultat. Je laisse cette tâche délicate à celles et
ceux qui y trouveront quelque intérêt. Sigmund rôde, il est là tout près, le
coquin.
© Jacques Lefebvre-Linetzky
Dessin aux crayons de couleur, 2006
Les bois flottés
© Jacques Lefebvre-Linetzky, photographie, 2019
J’ai également une vieille
passion pour les bois flottés, sculptés par les intempéries. Récemment la
tempête a causé d'énormes dégâts dans notre région. Des tonnes de branchages et de bois flottés se sont accumulés sur la plage qui borde la route du bord de mer
entre Villeneuve-Loubet et Antibes. À ma grande surprise, lorsque je m’y suis
rendu, il y avait de nombreuses voitures garées sur le bas-côté. Apparemment,
ma passion était partagée. En fait, il y avait deux sortes d’amateurs. Ceux
qui, armés d’une tronçonneuse, récoltaient du bois pour leur cheminée et les
farfelus, comme moi, qui cherchaient le morceau de bois rare avec la ténacité
d’un chercheur d’or. C’était sympathique et convivial.
Créer des paysages mentaux
© Jacques Lefebvre-Linetzky, collage et huile sur carton, 2019
Je ne m’intéresse pas aux
bois flottés pour les adapter à un usage domestique. Loin de moi l’idée d’en
faire des pieds de lampes, des presse-livres, des baleines ou des albatros. Ce
qui titille mon imagination, c’est de les intégrer dans mes tableaux afin
qu’ils prennent leur place dans un imaginaire naturel et pourtant artificiel
puisque ce sont des paysages mentaux.
J’utilise aussi bien des branches que des bois flottés. Pour assurer une rigidité à l’ensemble je travaille « sur » carton. Le choix de la colle m’a posé quelques problèmes. La colle Superglue est difficile à manipuler. À chaque fois je m’en mettais plein les doigts. J’ai finalement opté pour la colle à bois. Mais rien n’est simple, même lorsqu’on change d’année. Pour que le bois adhère, il faut qu’il comporte une surface plane. Je suis du genre obstiné. Après de vaines tentatives avec une scie égoïne, j’ai opté pour une scie sauteuse. L’entreprise est un peu risquée, il faut y aller doucement, ne pas scier de travers. Ensuite on peut passer au polissage. Il est évident que je ne vous livrerai pas tous mes secrets de fabrication.
Le choix du morceau de bois précède-t-il l’application de la peinture à l’huile ou bien faut-il composer le paysage et finalement, déterminer quel morceau de bois aura sa place dans cet univers composite ? C’est un peu comme si on se demande si l’essence précède l’existence.
© Jacques Lefebvre-Linetzky, collage et huile sur carton, 2019
Ne point trop en dire
J’utilise aussi bien des branches que des bois flottés. Pour assurer une rigidité à l’ensemble je travaille « sur » carton. Le choix de la colle m’a posé quelques problèmes. La colle Superglue est difficile à manipuler. À chaque fois je m’en mettais plein les doigts. J’ai finalement opté pour la colle à bois. Mais rien n’est simple, même lorsqu’on change d’année. Pour que le bois adhère, il faut qu’il comporte une surface plane. Je suis du genre obstiné. Après de vaines tentatives avec une scie égoïne, j’ai opté pour une scie sauteuse. L’entreprise est un peu risquée, il faut y aller doucement, ne pas scier de travers. Ensuite on peut passer au polissage. Il est évident que je ne vous livrerai pas tous mes secrets de fabrication.
© Jacques Lefebvre-Linetzky, collage et huile sur carton, 2019
Le choix du morceau de bois précède-t-il l’application de la peinture à l’huile ou bien faut-il composer le paysage et finalement, déterminer quel morceau de bois aura sa place dans cet univers composite ? C’est un peu comme si on se demande si l’essence précède l’existence.
Vestiges pompéiens
J’ai récemment entrepris de
réaliser des vestiges pompéiens. Je m’amuse à fabriquer des fragments colorés,
parfois ornés de collages de papier. Je me constitue ainsi une collection rare
que même le British Museum m’envie…
© Jacques Lefebvre-Linetzky, collage et huile sur carton, 2019
Bouts de bois de mon enfance,
vous continuez à me faire rêver. J’espère vraiment qu’ils vous feront le
même effet en ce début d’année.
© Jacques Lefebvre-Linetzky, collage et huile sur carton, 2019
Vous aurez remarqué que, « bricoleur inspiré », je me suis livré à quelques incursions philosophiques. Mais je n’ai pas mentionné l’un de mes philosophes préférés, le grand, l’immense Raymond. Ça ne vous dit rien ? Pourtant, il convient parfaitement à ce que je viens de vous raconter. Bon, je vous donne un indice, « un bois ça a deux bouts ». C’est un propos aussi essentiel que l’histoire de l’essence et de l’existence qui, soit dit en passant, ne mentionne pas le sans plomb 95 E 10. Je sais, c’est lourdingue, mais j’adore les jeux de mots vaseux… Vous n’avez toujours pas trouvé ? Bon, j’abandonne ; il s’agit de Raymond Devos qui, sur mes étagères, côtoie un autre philosophe valeureux, Pierre Dac.
Le bout d'un bout
Ne discutez plus, hein! ... Parce que ... vraiment...
(S'adressant au public)
Écoutez, l'autre jour, je taillais un morceau de bois...
Mon pianiste vient, il me dit :
- Voulez-vous me passer ce bout de bois, s'il vous plait ?
- Lequel des deux bouts?
- Quels deux bouts ? Je ne vois qu'un bout de bois.
- Parce que vous vous exprimez mal ! Parce qu'un bois, ça a deux bouts. Alors il ne faudrait pas dire "un bout de bois", mais "les deux bouts d'un bois"!
- Les "deux bouts d'un bois"... D'abord, ça sonne curieux! On entend les "les deux boudins", on ne sait pas s'il s'agit de bouts de bois ou de bouts de boudins !
- Ne plaisantons pas ! S'il s'agissait de bouts de boudin, on dirait "les deux bouts d'un boudin" ! On ne dirait pas "les deux bouts d'un bois".
- J'ai toujours appelé un bout de bois un bout de bois, moi! Alors passez-moi ce bout de bois.
Il prend le bout, tire dessus et me dit :
- Lâchez l'autre bout !
- Vous voyez bien qu'il y a deux bouts !
- Bon, puisqu'il y a deux bouts, gardez ce bout-ci ! Moi, je garde ce bout-là. Ça nous fera chacun un bout !
- Non, ça nous fait encore chacun deux bouts !
© Raymond Devos, 1977
Image empruntée ici
Vous pouvez voir le maître en action en cliquant sur ce lien.
(Olympia 1999)
Le bout de la fin
Et il ne nous reste plus qu'à patienter jusqu'au bout de ce nouvel an que je vous souhaite parsemé de jolis jeux de mots, même si parfois, au détour du chemin, certains sont franchement laids...
J'hésite entre le British Museum et ce bois amical et Nice est vraiment plus près, surtout le Brexit étant là. Et moi aussi las un peu là. Bon bout de bois d'an, cher Jacques, à toi la santé, la gloire, le bonheur!
RépondreSupprimerEt tiens toujours le bon bout.
Et, en prime, mes affectueux baisers.
Albert
Super Jacques... Difficile de prendre la plume après toi : même avec un peu de branche, on bûche mais on a l'impression d'avoir la tête sur le billot... Bon, peu importe, ton travail est superbe et ton inspiration revigorante, vivifiante. Merci l'artiste !
RépondreSupprimerJe sens bien que si je dis juste que tout ça fait du bien je vais paraitre simple d esprit. .ou pire encore pauvre d esprit.eh bien j assume..merci Jacques ( mais je suis obligee de rectifier..les bouts de bois ..j ai commencé avant ..)
RépondreSupprimerQuel début d'année inspirant !!!
RépondreSupprimerMerci et bises,
Véronique
Pour donner un plat au bois flotté, il vaut mieux utiliser une ponceuse à bande. 30 euros chez brico truc. Pour la colle, je suggère une colle en tube.Technologie silicone
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