Le pastel proprement dit est un bâtonnet fabriqué à partir de divers
pigments ou poudres de couleurs pures plus ou moins mêlées de blanc suivant la
teinte recherchée, puis mélangées avec de la colle, de la gomme arabique, du
miel ou du lait pour former une pâte (l’italien pasta, pâte, semble être à l’origine du mot pastello, pastel) qui est façonnée en forme de cylindre puis mise à
sécher.
Source : Encyclopédie Universalis
La semaine dernière, j’ai décroché… Je veux dire par
là que j’ai retiré mes pastels des cimaises de la Galerie Demena. L’exposition
a duré un peu plus longtemps que prévu initialement grâce à l’obligeance
d’Evelyne que j’aime appeler la « dame de la galerie » – je trouve
que cela fait très chic. Ils sont désormais bien emballés et soigneusement
rangés dans des sacs et une grosse valise, à l’abri des regards et de
l’humidité. J’aime bien l’idée de ranger des tableaux dans une valise, c’est
comme s’ils partaient en voyage. Un jour, peut-être, montreront-ils le bout de
leur nez au détour d’une autre exposition? J’en ai gardé quelques uns, à portée
de main, pour voir comment ils résistent au temps qui passe.
J’ai toujours aimé manipuler les pastels et j’ai un
faible pour les pastels tendres. Ils sont friables, poudreux, fragiles – à la
fois lumière et matière. Ils portent en eux un potentiel de risque et
d’aventure. Je travaille souvent à l’instinct. Le papier est là, sous mes yeux.
Une couleur m’appelle, puis une autre, et encore une autre. Je laisse faire mes
doigts. Il ne s’agit pas d’une démarche intellectuelle, cela relève plutôt du
tactile et du sensuel. La construction s’impose à moi, souvent avec vigueur.
Mais parfois, la main hésite, l’ombre d’un repentir surgit et c’est là que les
choses se compliquent. Comment reprendre sans gâcher ? Comment souligner
sans écraser ? Comment faire surgir la lumière ? Comment saisir la
vibration de ces friabilités ? Comment traquer la vérité de l’instant en
toute simplicité ? Les questions viennent en vrac et il faut faire vite.
Ne pas raidir le geste, rester disponible car une divine surprise est toujours
possible. Une forme, une ligne, une échappée peuvent ouvrir de nouveaux
horizons.
Hasard ou nécessité ? La ville imaginaire est
l’un de mes motifs préférés. Ces villes sont souvent théâtrales et
labyrinthiques, modernes ou antiques. Elles sont des rêves éveillés, des lieux
dont il est difficile de s’échapper. Façades trouées de lumière ou chargées de
ténèbres, découpe altière, lointains souvenirs de quelque cité américaine.
Elles semblent solidement arrimées, mais il suffit d’un rien, de presque rien,
pour qu’elles basculent et s’écroulent. Dans cette architecture onirique
revient le motif de la forteresse. Elle est obstacle incontournable et rêve de
liberté, elle est son propre mystère. C’est une invitation à la réclusion, une
prison et un refuge.
J’ai une passion pour le bleu, ce n’est pas là une
révélation. Depuis quelque temps, le rouge me parle, me dit des choses que je
n’avais jamais entendues auparavant. C’est un rouge ancien, celui de Pompéi. Étrangement,
les images de la ville romaine convoquent les abstractions de Rothko à mon
corps défendant. Assauts de rouges qui se marient, se superposent, s’effacent et
laissent parfois la place à un éclat de gris ou de bleu. C’est la matière du
sang et du feu adoucie par le velours des pigments. Il m’arrive de faire surgir
des personnages à la silhouette à peine suggérée – trace, vestige, empreinte.
Le rouge a des douceurs insoupçonnées.
Je ne suis pas un grand voyageur. Je suis un voyageur
de l’imaginaire, un « voyageur immobile ». Je voyage au gré de mes
lectures – la lecture n’est-elle pas avant tout une invitation au voyage ?
Je pense à Robinson et surtout, encore et toujours, à Prospero, à Miranda et à
Ariel… On voyage bien en compagnie de Shakespeare, on voyage bien dans la
langue de Shakespeare. Mais quand on y songe, l’île, à l’instar de la
forteresse, est un refuge et une prison. Les mêmes thèmes et les mêmes motifs
ne cessent de m’assaillir. Suis-je condamné à la répétition ? Peut-on
échapper à son destin ? Soyons modestes.
La signature
J’ai signé mes pastels au dos comme pour m’effacer. Une
petite griffe en regard de la date. Pourquoi faire en sorte de tourner le dos à
mes tentatives ? Être présent sans l’être. Je veux bien m’exposer, mais
pas trop. C’est pourtant si simple d’apposer sa signature. Voyageur immobile,
je me verrais bien voyageur anonyme…
En partance
Mes pastels reposent depuis quelque temps. Je sens
des frémissements dans mes doigts, une sorte d’impatience, de fébrilité avant
un nouveau départ. Je vais inviter mes vieux compagnons de route, de bons
copains que j’admire depuis l’enfance. Je ne manquerai pas de vous envoyer
quelques cartes postales, juste pour vous donner une idée, une petite idée.
Voyages au pays du pastel
Image prise ici
L’Art du pastel, Dorothea Burns et Philippe Saunier, éd. Citadelles et Mazenod, 384 pp., 250 ill.
Tu n'es pas seulement peintre, tu es aussi poète !
RépondreSupprimerTes pastels sont partis en vacances pour revenir plus tard, avec de nouvelles perspectives...
Bravo pour tout ce que tu fais dans tous les domaines !
Quel plaisir de te lire ou rêver en couleur sur tes imaginaires voyages...
RépondreSupprimerBravo l'artiste !