UTILE À SAVOIR


Ce blog est alimenté par Jacques Lefebvre-Linetzky. Commentaires et retours bienvenus.


mardi 24 février 2015

LE PASTEL JETTE DE LA POUDRE AUX YEUX



J'ai décroché


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Le pastel proprement dit est un bâtonnet fabriqué à partir de divers pigments ou poudres de couleurs pures plus ou moins mêlées de blanc suivant la teinte recherchée, puis mélangées avec de la colle, de la gomme arabique, du miel ou du lait pour former une pâte (l’italien pasta, pâte, semble être à l’origine du mot pastello, pastel) qui est façonnée en forme de cylindre puis mise à sécher.

Source : Encyclopédie Universalis


La semaine dernière, j’ai décroché… Je veux dire par là que j’ai retiré mes pastels des cimaises de la Galerie Demena. L’exposition a duré un peu plus longtemps que prévu initialement grâce à l’obligeance d’Evelyne que j’aime appeler la « dame de la galerie » – je trouve que cela fait très chic. Ils sont désormais bien emballés et soigneusement rangés dans des sacs et une grosse valise, à l’abri des regards et de l’humidité. J’aime bien l’idée de ranger des tableaux dans une valise, c’est comme s’ils partaient en voyage. Un jour, peut-être, montreront-ils le bout de leur nez au détour d’une autre exposition? J’en ai gardé quelques uns, à portée de main, pour voir comment ils résistent au temps qui passe.

Les pastels tendres




J’ai toujours aimé manipuler les pastels et j’ai un faible pour les pastels tendres. Ils sont friables, poudreux, fragiles – à la fois lumière et matière. Ils portent en eux un potentiel de risque et d’aventure. Je travaille souvent à l’instinct. Le papier est là, sous mes yeux. Une couleur m’appelle, puis une autre, et encore une autre. Je laisse faire mes doigts. Il ne s’agit pas d’une démarche intellectuelle, cela relève plutôt du tactile et du sensuel. La construction s’impose à moi, souvent avec vigueur. Mais parfois, la main hésite, l’ombre d’un repentir surgit et c’est là que les choses se compliquent. Comment reprendre sans gâcher ? Comment souligner sans écraser ? Comment faire surgir la lumière ? Comment saisir la vibration de ces friabilités ? Comment traquer la vérité de l’instant en toute simplicité ? Les questions viennent en vrac et il faut faire vite. Ne pas raidir le geste, rester disponible car une divine surprise est toujours possible. Une forme, une ligne, une échappée peuvent ouvrir de nouveaux horizons.

L’éternel retour des formes et des lignes




Hasard ou nécessité ? La ville imaginaire est l’un de mes motifs préférés. Ces villes sont souvent théâtrales et labyrinthiques, modernes ou antiques. Elles sont des rêves éveillés, des lieux dont il est difficile de s’échapper. Façades trouées de lumière ou chargées de ténèbres, découpe altière, lointains souvenirs de quelque cité américaine. Elles semblent solidement arrimées, mais il suffit d’un rien, de presque rien, pour qu’elles basculent et s’écroulent. Dans cette architecture onirique revient le motif de la forteresse. Elle est obstacle incontournable et rêve de liberté, elle est son propre mystère. C’est une invitation à la réclusion, une prison et un refuge.



Oser le rouge




J’ai une passion pour le bleu, ce n’est pas là une révélation. Depuis quelque temps, le rouge me parle, me dit des choses que je n’avais jamais entendues auparavant. C’est un rouge ancien, celui de Pompéi. Étrangement, les images de la ville romaine convoquent les abstractions de Rothko à mon corps défendant. Assauts de rouges qui se marient, se superposent, s’effacent et laissent parfois la place à un éclat de gris ou de bleu. C’est la matière du sang et du feu adoucie par le velours des pigments. Il m’arrive de faire surgir des personnages à la silhouette à peine suggérée – trace, vestige, empreinte. Le rouge a des douceurs insoupçonnées.




L’île




Je ne suis pas un grand voyageur. Je suis un voyageur de l’imaginaire, un « voyageur immobile ». Je voyage au gré de mes lectures – la lecture n’est-elle pas avant tout une invitation au voyage ? Je pense à Robinson et surtout, encore et toujours, à Prospero, à Miranda et à Ariel… On voyage bien en compagnie de Shakespeare, on voyage bien dans la langue de Shakespeare. Mais quand on y songe, l’île, à l’instar de la forteresse, est un refuge et une prison. Les mêmes thèmes et les mêmes motifs ne cessent de m’assaillir. Suis-je condamné à la répétition ? Peut-on échapper à son destin ? Soyons modestes.

La signature

J’ai signé mes pastels au dos comme pour m’effacer. Une petite griffe en regard de la date. Pourquoi faire en sorte de tourner le dos à mes tentatives ? Être présent sans l’être. Je veux bien m’exposer, mais pas trop. C’est pourtant si simple d’apposer sa signature. Voyageur immobile, je me verrais bien voyageur anonyme…

En partance

Mes pastels reposent depuis quelque temps. Je sens des frémissements dans mes doigts, une sorte d’impatience, de fébrilité avant un nouveau départ. Je vais inviter mes vieux compagnons de route, de bons copains que j’admire depuis l’enfance. Je ne manquerai pas de vous envoyer quelques cartes postales, juste pour vous donner une idée, une petite idée.




Voyages au pays du pastel



Image prise ici

L’Art du pastel, Dorothea Burns et Philippe Saunier, éd. Citadelles et Mazenod, 384 pp., 250 ill.

Le mystère et l’éclat. Pastels du musée d’Orsay
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Le Conservatoire des Ocres et de la Couleur à Roussillon
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La Société des Pastellistes de France
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2 commentaires:

  1. Tu n'es pas seulement peintre, tu es aussi poète !
    Tes pastels sont partis en vacances pour revenir plus tard, avec de nouvelles perspectives...
    Bravo pour tout ce que tu fais dans tous les domaines !

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  2. Quel plaisir de te lire ou rêver en couleur sur tes imaginaires voyages...
    Bravo l'artiste !

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